10 conseils pour bien utiliser son emmagasineur
Il ne se passe pas un salon nautique sans que nous ayons la visite d’un ou plusieurs plaisanciers avec un problème d’emmagasineur (toutes marques confondues). Ces quelques conseils devraient donc répondre à de nombreux questionnements.
Un suspect naturel souvent innocenté
L’énoncé du problème est « j’ai un problème avec mon emmagasineur », mais dans les faits, l’emmagasineur n’est pas toujours la source du problème…et même rarement ! Cela me fait penser à la citation très pertinente du directeur commercial d’une grande voilerie internationale : « ce n’est pas tout de fournir la plus belle voile du monde, il faut aussi fournir un bon anti-torsion, un bon emmagasineur et les conseils d’utilisation qui vont avec ».
Les éléments constitutifs :
Commençons donc par rappeler les éléments constitutifs du système :
– La voile
– Le câble ou le cordage anti-torsion
– L’emmagasineur (tourelle pour la partie basse et émerillon pour la partie haute)
Ce à quoi il faut ajoute pour être plus précis :
– Le système d’accroche de la tourelle et de l’émerillon (mousqueton, manille, œil lashing, 3 :1 …)
– Les points de fixation de la tourelle et de l’émerillon (drisse, padeye, cadène …)
– La drosse ou cordage de manœuvre
– Le manuel d’utilisation ou instructions d’utilisation.
– Les conditions météorologiques et l’allure de votre voilier.
Comme dans toute bonne enquête policière, il faut considérer chaque élément comme suspect, mais le bon sens m’oblige à traiter en priorité les récidivistes.
Les récidivistes :
Bien que l’emmagasineur soit rarement incriminé, assurez-vous tout de même avant de commencer votre enquête que la tourelle et l’émerillon tournent bien à la main sans effort démesuré.
Concentrons-nous maintenant sur les fameux récidivistes. En théorie, il faudrait que chaque tour de tourelle (actionnée par la drosse) fasse tourner également l’émerillon de façon simultanée. Ce devrait d’ailleurs être le cas si nous utilisions une longue barre en métal au lieu du cordage anti-torsion.
Dans la pratique, on voit assez souvent la tourelle faire 2 ou 3 tours (et même plus) avant d’entraîner l’émerillon (fixé sur la têtière de la voile). Ce qui nous amène à proposer une première série de conseils :
1- Lisez cet article !
Et lisez-le jusqu’au bout. Ne vous laissez pas arrêter par sa longueur apparente. Ça se lit vite et très bien.
2- La tourelle doit être solidement fixée sur le bateau.
Le cas le plus fréquent est de voir un emmagasineur fixé sur un simple cordage qui permet d’amener l’emmagasineur sur le bout-dehors. C’est un cas fréquent à proscrire. Il est impératif d’avoir un système qui empêche la tourelle de tourner sur elle-même. Seule la roue crantée doit tourner et surtout pas le système de protection de la roue crantée (carter).
Si vous devez installer un emmagasineur sur un bout-dehors sans avoir à faire l’équilibriste, la seule solution est l’utilisation d’un palan à 2 ou 3 brins (2 :1 ou 3 :1). Proscrire absolument le cordage simple (1 :1).
3- Le système doit être sous tension.
Si vous ne mettez pas assez de tension dans la drisse, l’anti-torsion va se tordre. N’hésitez pas à rajouter de la tension pour les phases d’enroulement et de déroulement. Les voiliers de 45 à 50 pieds et au-delà sont souvent équipés de drisses mouflées. L’intérêt est de pouvoir multiplier par 2 la tension avec le même effort. L’inconvénient est que vous mettez 2 fois plus de temps à hisser la voile et que vous vous retrouvez avec un bon plat de nouilles sur le pont une fois que la voile est à poste.
4- Le guindant doit être à la bonne longueur.
Cela paraît évident, mais c’est plus fréquent qu’on ne le pense. Si le guindant de la voile est trop long, l’émerillon vient en butée sur la sortie de drisse et il est alors impossible de rajouter plus de tension. Assurez-vous que l’émerillon est à bonne distance du mât et qu’il n’est pas gêné par une autre drisse.
5- L’anti-torsion doit être de bonne qualité.
L’anti-torsion est le cordage qui fait la liaison entre la tourelle et l’émerillon. Il est installé dans le guindant de la voile pour des codes 0 ou des trinquettes. Il est en extérieur pour l’utilisation de spi asymétrique. Un anti-torsion de mauvaise qualité est clairement la 2e cause d’un mauvais fonctionnement. Si vous devez faire plus de 3 ou 4 tours de tourelles avant de faire bouger l’émerillon, le problème vient de l’anti-torsion.
Par ailleurs, la plupart des fabricants d’emmagasineurs proposent des cosses parfaitement adaptées à leurs produits, mais elles ne sont pas pour autant installées par les voileries.
La cosse est la pièce en aluminium ou en inox dans laquelle passe le câble anti-torsion qui se fixe sur l’emmagasineur. L’utilisation de ces cosses est un gage de durabilité. Autant que possible, évitez les cosses cœur inox basiques qui vont très rapidement endommager votre emmagasineur.
Chaque cosse est prévue pour recevoir un diamètre maximal d’anti-torsion. Mon conseil : demandez à votre maître-voilier de ne pas hésiter à utiliser le plus gros diamètre possible et plus particulièrement s’il s’agit d’un Code 0, d’une trinquette ou d’un spi asymétrique. Le diamètre maximal est souvent précisé sur les documentations techniques.
Pour les voiliers de plus de 50 pieds et pour les guindants d’une longueur supérieure à 20 m, je vous recommande d’envisager sérieusement l’utilisation de câbles anti-torsion au lieu des cordages anti-torsion. Il s’agit de câbles textiles techniques fabriqués sur-mesure avec des propriétés anti-torsions beaucoup plus élevées qu’un cordage classique. Vous trouverez une liste non exhaustive de marques dans cet article dédié aux anti-torsions.
Il peut être parfois tentant de choisir un modèle d’emmagasineur légèrement (ou vraiment) sous-dimensionné. Cela signifie également qu’il sera impossible d’installer le bon diamètre d’anti-torsion. Dans tous les cas, abordez toujours le sujet de la qualité de l’anti-torsion avec votre voilier. Il saura répondre à vos questions et vous conseiller au mieux.
Dernier conseil : plus votre anti-torsion est fatigué, plus il est important d’ajouter de la tension.
6- Ne négligez pas la drosse.
La drosse ou cordage de manœuvre est un accessoire plus important qu’il n’y paraît.
- Utilisez le diamètre préconisé par le constructeur. Trop gros = trop de frottement. Vous allez vous épuiser à rouler. Trop petit = risque important de glissement.
- Vérifier la qualité de l’épissure. Les emmagasineurs sont pour la plupart équipés de roues crantées et s’utilisent avec un cordage en boucle. Si la jonction est mal réalisée, cela peut créer une surépaisseur et se bloquer dans l’emmagasineur.
- Alignez la drosse. C’est une préconisation présente dans la plupart des manuels. Trop d’angles = trop d’effort. Rendez-vous service et utilisez quelques poulies ou anneaux pour bien aligner tout cela.
- Fixez l’extrémité de la drosse. Si vous ne fixez pas l’autre extrémité de la drosse, vous vous exposez grandement à un risque de ganse (un simple tour dans le cordage) qui se bloquera à l’entrée de l’emmagasineur. Si cela se produit dans un déroulé de voile puissant, vous avez de grandes chances de casser votre emmagasineur.
- Privilégiez un passage direct. Évitez les renvois trop nombreux. Si vous arrivez à rouler votre voile quand vous êtes à proximité de l’emmagasineur, mais que cela devient « mission impossible » depuis le cockpit, c’est le signe qu’il y a trop de friction sur la drosse. Simplifiez le trajet ou utilisez de vraies poulies à roulement au lieu d’anneaux à friction.
- Attention aux twists. Si la drosse twiste sur elle même, et particulièrement au niveau de la zone de renvoi, les efforts seront très importants et donneront l’impression que l’ensemble est bloqué. C’est un cas très fréquent.
- Choisissez un emmagasineur qui capte bien la drosse. C’est un sujet critique (corrigé ou non) pour quelques marques. Si la drosse peut sortir de la roue crantée par l’espace entre la roue crantée et le carter de protection, il faut s’attendre à une situation compliquée à un moment ou à un autre … mais jamais au bon moment assurément.
7- Ne sous-dimensionnez pas votre emmagasineur
… et suivez autant que possible les préconisations des fabricants. J’ai déjà abordé le problème de la dimension de l’anti-torsion, mais on peut aussi ajouter le problème potentiel d’un diamètre de tourelle trop petit. Plus la roue crantée est large et plus il sera facile de l’utiliser (plus de couple). Plusieurs fabricants proposent désormais des versions plus larges et cela fait la différence une fois à bord.
8- Apprivoisez ou domptez votre emmagasineur.
Si vous avez déjà utilisé une chaussette à spi, vous savez désormais qu’il faut respecter certaines règles pour réussir à étouffer avec élégance votre spi.
Tout aussi perfectionnés que soient votre emmagasineur et votre voile, vous devez trouver par vous-même la meilleure façon de faire. Quelques pistes tout de même :
- Pour les emmagasineurs équipés d’un système de verrou (anti-retour), prenez le temps de bien comprendre leur fonctionnement
- Testez l’enroulement avec différentes tensions de drisse
- Testez l’enroulement avec différents angles de vent
- Testez l’enroulement par différentes forces de vent
- Testez l’enroulement avec différents angles d’écoute (avancer ou reculer le point d’écoute)
- Testez l’enroulement avec différentes tensions d’écoute
La configuration souvent retenue est une drisse bien tendue, une voile légèrement déventée et sans trop de tension dans l’écoute, mais je vous assure que vous ne perdrez pas votre temps à faire plusieurs essais.
9- Lisez les manuels.
Vous serez sûrement surpris d’y trouver quelques bons conseils !
10- Échangez avec des professionnels.
À l’heure du tout internet, la tentation est grande de faire son choix tout(e) seul(e). Toutefois et même avec mes excellents conseils, je ne cesserai de vous conseiller de discuter avec des personnes qui ont de l’expérience.
À lire également : KarverPedia – Importance d’un cordage ou câble anti-torsion
Article rédigé par Tanguy de Larminat. Tanguy est le directeur général de Karver. C’est également un spécialiste des multicoques de croisière. Il est moniteur de voile et skipper professionnel. Il a plusieurs transatlantiques à son actif et a dirigé le service clients (livraisons & SAV) de Catana pendant 4 ans ainsi qu’un chantier de refit pendant 12 ans dans le sud de la France.
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Traduction : ad Gallica (carole@adgallica.fr)
Crédit photo principale : HH Catamarans (HH66)